La négociation interprofessionnelle sur la Santé au travail a pris fin le 9 décembre 2020 avec la conclusion d’un accord entre, d’une part, l’U2P, le MEDEF et la CPME et, d’autre part, la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC intitulé : « Pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et de conditions de travail ».
La prévention primaire des risques professionnels est l’objectif majeur du projet d’accord national interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail. Il définit le champ de cette prévention, propose un accompagnement renforcé de l’employeur pour établir le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), et vise une meilleure prévention de la désinsertion professionnelle.
En matière de formation, les salariés et apprentis bénéficieront d’un « passeport prévention », et la durée de la formation en santé des membres de la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) et les élus du Comité social et économique (CSE) sera augmentée.
Cet accord se décline en quatre parties ayant trait aux sujets suivants :
- La promotion d’une prévention primaire opérationnelle au plus proche des réalités du travail ;
- La promotion d’une qualité de vie au travail (QVT) en articulation avec la santé au travail ;
- La promotion d’une offre de services des services de santé au travail interentreprises (SSTI) qui seront renommés Services de Prévention et de Santé au Travail Interentreprises (SPSTI) efficiente et de proximité ;
- Une gouvernance rénovée, un financement maîtrisé.
1 - Sur le champ de la prévention
L’ANI indique que « la logique de la prévention primaire poursuit l’objectif de s’attaquer en amont aux causes profondes de ces risques avant qu’ils ne produisent leurs effets ».
Les partenaires sociaux ont souhaité préciser à ce titre ce que la prévention des risques professionnels recouvre :
- Les risques « classiques » : physiques, chimiques, biologiques, les contraintes liées à des situations de travail, les risques d’accidents ;
- L’usure inhérente à l’activité professionnelle, en particulier les situations pouvant conduire à la désinsertion professionnelle, dans un contexte de vieillissement de la population ;
- Les risques suscités par l’organisation du travail ;
- La prise en compte des exigences de sécurité et de santé dès la conception des locaux, des équipements, des procédés, des organisations de travail ;
- Les troubles musculosquelettiques : avec une prise en charge le plus en amont possible et une approche ergonomique des postes de travail, des équipements et des matériels utilisés.
- Les risques « émergents comme ceux liés aux nouvelles technologies qui font déjà l’objet d’une recherche spécifique pour évaluer leur dangerosité ».
Si l’obligation de prévention définie dans le code du travail vise le risque professionnel inhérent à l’activité de l’entreprise et sur lequel elle doit avoir un contrôle, l’accord indique que « d’autres risques extérieurs (risques sanitaires ou environnementaux) peuvent venir percuter l’activité de l’entreprise » et« sont pris en compte dans les démarches de prévention en cohérence avec les consignes de crise des pouvoirs publics, prenant le relais de la règlementation ordinaire ».
Par ailleurs, l’accord précise que le champ de la prévention des risques professionnels doit inclure les risques psychosociaux. « Bien que les troubles psychosociaux puissent avoir des causes multiples, l’employeur se doit d’évaluer et de mettre en place les actions de prévention en regard de son champ de responsabilité, c’est-à-dire celui lié à l’activité professionnelle », tout en respectant « strictement la vie privée du salarié » précise le texte.
1.2.Ré affirmation de la responsabilité de l’employeur
Concernant la responsabilité de l’employeur en matière de santé au travail, le point 1.2.1.1 de l’ANI rappelle que « la jurisprudence a admis qu’un employeur et ses délégataires pouvaient être considérés comme ayant rempli leurs obligations s’ils ont mis en œuvre les actions de prévention ».
1.3.Création d’un « passeport prévention » pour la formation des salariés
Sur le sujet de la formation en santé-sécurité au travail, le point 1.2.2.2 consacre la mise en place progressive d’un Passeport prévention pour les salariés et les apprentis. Ce document visera à recenser les attestations, certificats et diplômes obtenus par le salarié en matière de santé et sécurité au travail. Il permettra ainsi d’éviter la mise en œuvre de formations surabondantes. Il sera alimenté par les organismes de formation et par l’employeur pour les formations qu’il délivre au sein de son entreprise. Il sera à cet effet mis à la disposition de l’employeur.
1.4.Mise en place de Cellules de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP)
Le point 1.2.3.4 de l’ANI prévoit quedes Cellules de prévention de la désinsertion professionnelle(PDP) seront systématiquement mises en place au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI – nouvelle dénomination des Services de Santé au Travail Interentreprises). Ces cellules permettront d’apporter aux situations individuelles des solutions personnalisées et de proximité, en privilégiant le maintien au poste avec son aménagement. Les comités régionaux de prévention de santé au travail (CRPST) seront destinataires des éléments quantitatifs qui leurs permettront de procéder au suivi et à l’évaluation périodique des actions de PDP engagées.
1.5.Augmentation de la durée de formation des représentants du personnel
Concernant les représentants du personnel au sein des CSE, le point 1.2.4.2 de l’accord prévoit que ces les élus bénéficieront d’une formation de 5 jours en santé-sécurité au travail. Lors du renouvellement de leur mandat, une formation pourra être reconduite à hauteur de 3 jours, sauf dispositions spécifiques déjà existantes dans le code du travail. Dans les entreprises de moins de 50 salariés la formation de ces élus sera financée sur les fonds des OPCO.
1.6.Précision quant au rôle des branches professionnelles
Le point 1.2.4.3 de l’ANI entend promouvoir le rôle des branches professionnelles en matière de prévention dans une logique incitative et non contraignante avec une invitation à : négocier des accords sur la santé-sécurité, mettre à disposition des outils pour les entreprises, mettre en place de commissions paritaires sur la santé-sécurité etc.
2 - Sur la qualité de vie au travail (QVT) :
Le point 2.2 de l’accord consacre la notion de qualité de vie et des conditions de travail (QVCT). L’accord précise que la qualité de vie au travail et son corollaire la qualité des conditions de travail participent à la qualité du travail et à la prévention primaire.
À la demande de l’U2P, ce point rappelle également que le dialogue social sur la QVT relève également des échanges entre partenaires sociaux dans le cadre des Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), des Commissions paritaires régionales interprofessionnelles de l'artisanat (CPRIA) et des Commissions paritaires régionales dédiées aux professions libérales (CPR-PL).
3 - Le renouvellement de l’offre des services de santé au travail
3.1.Sur l’offre de services des services de santé au travail interentreprises (SSTI), renommés « services de prévention et de santé au travail interentreprises » (SPSTI) :
Afin que les SPSTI répondent réellement aux besoins des entreprises et que les prestations qu’ils fournissent soient homogènes d’un service à l’autre, l’accord prévoit que les SPSTI devront être certifiés au vu d’un cahier des charges qu’ils devront obligatoirement respecter (point 3.1).
Le point 3.1.2 de l’ANI précise que les SPSTI devront proposer une offre socle minimale satisfaisant aux trois missions suivantes :
- Prévention ;
- Suivi individuel des salariés ;
-Prévention de la désinsertion professionnelle.
Dans le cadre de leur mission de prévention, les SPSTI devront désormais aider les entreprises à identifier et à évaluer les risques professionnels grâce (point 3.1.2.1) :
- A la mise à jour régulière de la fiche d’entreprise, qui peut constituer pour des TPE-PME la base du document unique d’évaluation des risques professionnels ;
- Au conseil dans la rédaction et la finalisation par l’employeur du DUERP et du plan d’action qui peut en découler. Ce point avait été particulièrement défendu par l’U2P pour aider les TPE à réaliser leur DUERP.
- A la réalisation des études de poste de travail en déployant notamment des compétences en : ergonomie (TMS notamment), métrologie de première intention (bruit, risques chimiques), risques organisationnels (RPS) ;
- A la réalisation d’actions complémentaires de prévention (collectives ou individuelles) en fonction des besoins ;
- A la réalisation d’une action de prévention primaire dans chaque entreprise au moins une fois tous les quatre ans. Pour les TPE-PME, le SPSTI pourra proposer de raccourcir ce délai. Cette possibilité, pour les TPE-PME, de bénéficier plus fréquemment d’actions de prévention avait été défendue par l’U2P.
A ses conseils lors de la conception des postes et/ou des locaux de travail.
Pour que cette offre socle soit appliquée par les SPSTI, l’accord (point 3.1.3) prévoit que ces derniers, pour pouvoir fonctionner, devront être certifiés par tierce partie obligatoire portant :
- Sur l’organisation du service y compris l’activité des professionnels de santé, la continuité et la réactivité du service, la transparence des flux financiers ;
- Sur l’effectivité des prestations figurant dans l’offre socle de chacun des services ;
- La qualité des services rendus aux entreprises (employeurs, salariés et représentants des salariés) sur la base de données qualitatives.
Le cahier des charges de la certification sera élaboré paritairement. La certification sera réalisée par des tierces parties référencées par les partenaires sociaux.
Ce référentiel devra inclure des indicateurs de bonne réalisation des objectifs assignés, et des enquêtes de satisfaction sur le service rendu.
A titre transitoire, il est proposé de « jalonner » les 5 prochaines années en objectifs intermédiaires afin de rendre opérationnelle la montée en charge des SPSTI.
La CAPEB au travers de l’U2P était favorable à cette proposition de certification dans la mesure où elle constitue un moyen de contraindre les services de santé au travail à assurer leurs prestations.
Concernant la gouvernance des SPSTI (point 3.1.4.4), l’accord prévoit queles représentants des salariés et les représentants des employeurs au conseil d’administration seront désignés par les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel parmi les entreprises adhérentes. Chaque organisation représentative au niveau national et interprofessionnel sera représentée de droit au sein du CA.
La CAPEB a appuyé fortement cette proposition afin que l’U2P puisse siéger de droit dans l’ensemble des SPSTI.
Sur le sujet du suivi en santé au travail (point 3.1.2.2), l’accord prévoit une ouverture à la médecine de ville pour la réalisation du suivi initial et périodique des salariés qui ne sont pas sur des postes à risque. L’ouverture à la médecine de ville pour améliorer l’effectivité et la qualité du suivi médical des salariés était une demande forte de la CAPEB appuyée par l’U2P.
Ainsi, dans le cadre de l’organisation du suivi médico-professionnel des salariés relevant de ses entreprises adhérentes, le SPSTI s’appuiera sur un réseau de médecins praticiens correspondants (MPC) parmi les médecins de ville (traitant ou autre).
Par exemple, en cas de non-respect prévisible des délais de réalisation des visites de suivi, le SPSTI devra justifier auprès de l’entreprise adhérente avoir bien effectué la démarche de recours à un MPC et, le cas échéant, se justifier des raisons ayant rendu impossible ce recours.
Les Médecins Praticiens Correspondants (MPC) seront des médecins de ville volontaires et formés pour assurer une partie du suivi médico-professionnel des salariés relevant de la catégorie des bénéficiaires des visites d’information et de prévention (salariés n’ayant pas besoin d’une surveillance spécifique du fait des risques associés à leur poste).
Par ailleurs, dans un souci d’homogénéisation des prestations rendues par les SPSTI, le point 3.1.2.6 de l’accord prévoit que ces derniers devront être équipés d’une interface informatique permettant :
- L’accès à des données obligatoiresà tous les SPSTI favorisant les échanges entre celui-ci et les entreprises adhérentes (statuts, règlement intérieur, présentation de l’offre socle, montant de la cotisation) ;
- La mise à disposition d’un espace personnalisé facilitant l’accès à une documentation, à des outils relatifs à la prévention, la prise de rendez-vous et la consultation des actions de prévention réalisées par le SPSTI (fiche d’entreprise).
Le point 3.1.2.7 de l’ANI précise qu’il conviendra d’accompagner les travailleurs indépendants et les dirigeants non-salariés aux fins qu’ils puissent s’engager dans une démarche volontaire de suivi de leur état de santé au regard de leur activité professionnelle. L’objectif de cette proposition, soutenue par la CAPEB et portée par l’U2P, est de permettre aux chefs d’entreprise, s’ils le souhaitent (principe du volontariat), de s’inscrire dans une démarche de suivi de leur état de santé en lien avec leur activité professionnelle.
Le point 3.2 de l’accord précise que le cadre actuel de l’organisation et des missions de l’OPPBTP sera bel et bien préservé.
Concernant l’organisation du système de santé au travail au niveau national, le point 4.1.1 de l’accord prévoit la création du « Comité national de prévention, santé au travail » au sein du COCT.
Ce comité résultera d’un élargissement des missions du GPO du COCT.
Cette instance tripartite engloberait les missions actuelles du GPO du COCT auxquelles s’ajouteraient notamment les missions ci-dessous et pour lesquelles les partenaires sociaux prendraient des décisions en formation paritaire :
- De participer à l’élaboration et à la définition des objectifs du Plan Santé au Travail, en l’occurrence le PST 4 ;
- D’élaborer le cahier des charges de la certification des SPSTI et les conditions d’enregistrement par les DIRECCTE ;
- D’élaborer le cahier des charges de l’offre socle des SPSTI telle que définie par le présent accord ;
- -D’élaborer le cahier des charges de l’offre de Prévention de la Désinsertion Professionnelle que chaque SPSTI serait chargé de déployer ;
- De définir des indicateurs en Santé au Travail et d’évaluation des SPSTI ;
- De suivre la mise en œuvre de la collaboration médecine du travail/médecine de ville telle que proposée par les parties signataires ;
- De suivre la mise en œuvre du passeport prévention.
Au niveau régional, le point 4.1.3 de l’accord prévoit la création du « Comité régional de prévention, de santé au travail » (CRPST) au sein des CROCT.
Ce comité régional de prévention, de santé au travail résultera d’un élargissement des missions GPRO des CROCT.
Cette instance paritaire aura notamment pour mission :
- De s’assurer sur le plan régional de la mise en place d’un Plan régional de santé au travail (en l’occurrence le PRST4), -déclinaison régionale du PST national ;
- De contrôler la certification « SPSTI », c’est-à-dire de s’assurer de l’application régionale du cahier des charges de la certification des SPSTI élaborée au niveau national, en ayant recours à une tierce partie préalablement à l’octroi de leur agrément géographique et professionnel ;
- De s’assurer du bon fonctionnement du réseau régional de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP) ;
- De s’assurer du suivi des observatoires régionaux auprès des ARS centre de ressources en santé au travail ;
-De procéder à l’évaluation du rapport qualité-prix des services assurés par les SPSTI (ce point était une demande de l’U2P).
- De suivre la mise en œuvre de la collaboration médecine du travail/médecine de ville telle que proposée par les parties signataires.
Ce comité absorbera les missions des CROCT.
Concernant le financement des SPSTI, l’accord précise que l’amplitude des cotisations ne pourra pas excéder 20% du coût moyen national de l’offre socle (point 4.2.1).